LA GUINEE BRULE-T-ELLE ?
GUINÉE : PAYS DES RÉVOLUTIONS MORTES NÉES
« Le néant néantise » (Martin Heidegger)
La Guinée est une République,
Un régime Présidentiel avec une assemblée de députés élus,
Le Président est élu au suffrage universel,
Pour 5 ans, devenu 6 ans, renouvelables une fois,
C’est une « Démocratie » naissante.
Rappelons que les grandes Démocraties de références ont mis plus de 200 ans pour être ce qu’elles sont aujourd’hui ;
Alors, soyons indulgents envers l’ « apprenti » démocrate Guinée, au moins sur ce point.
Le Pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple !
Mais on divinise le pouvoir en Guinée.
Vous entendrez sans arrêt, à tous les niveaux des couches sociales :
« C’est Dieu qui donne le pouvoir. »
Ils votent pour élire un Président et disent que c’est Dieu qui l’a élu,
Décidément le Guinéen adore Dieu.
Quel fatalisme !
Le féodalisme est dans les têtes et dans les us et coutumes.
Dans les textes, la Guinée est une République laïque,
Mais les hommes politiques, élus pour exercer le pouvoir,
Ne cessent de se référer aux coordinations régionales, composées bien souvent de religieux et de chefs traditionnels, à majorité des « vieux » ou sénior, souvent peu lettrés, voire illettrés (ils n’ont pas nécessairement toujours choisi de l’être) ;
Voire même ils se soumettent aux pressions des coordinations de supposées « sages »,
Ah, la Guinée et ses « vieux » et plus généralement l’Afrique et la « gérontocratie » ;
Dans les faits, une ambivalence existe sur la place et traitement des « vieux ».
Un modèle souvent idéalisé plus que ne l’est la réalité,
« La valeur n’attend pas le nombre des années »,
Et, que dire de ce lourd héritage de Amadou Hampaté Bâ : « En Afrique, un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle »;
Faut-il nécessairement prendre cette assertion à la lettre ?
Est-ce toujours des Bibliothèques réellement ?
La question reste posée.
De quoi vivent ces coordinations régionales ?
Qu’on ne me dise pas, du budget de l’État,
Elles ne sont pas prévues dans ledit budget.
Alors de quoi ? On aimerait bien le savoir ?
Est-ce que ce mariage incestueux entre Politiques et Coordinations Régionales n’est pas un aveu de faiblesse des Politiciens ?
Ou est-ce parce que les Politiques sont suffisamment avisés pour faire en sorte de maintenir les masses populaires dans l’obscurantisme, à travers le jeu de chats et souris entre Politiques, Chefs traditionnels et Religieux (Imam, Kuntigui, Sotikèmö, Patriarche, Archevêque,…) ?
Il va sans dire qu’en tant que simple citoyen et observateur, de loin, de la vie politique Guinéenne, j’opte la plupart du temps pour la réserve, parce qu’ayant préféré, des actions concrètes, plutôt que des discours grandiloquents, teintés de démagogie la plupart du temps;
En créant, par exemple, une Bibliothèque dans mon quartier, pour les jeunes et les moins jeunes. Lire délivre !
Cependant, le sang des jeunes n’a cessé de couler, et je crains qu’il ne continue de couler dans les rues de Conakry et ailleurs sur le territoire national, si des mesures ne sont pas prises pour bâtir un véritable projet de société et un programme économique et social pour sortir de cette logique destructrice de mal gouvernance et de prédation.
La loi de la jungle règne en Guinée. Cette jungle entretenue par des prédateurs auxquels nous sommes livrés.
Je ne puis ne pas relever les propos d’un ancien Ministre de la République, très populaire au demeurant, ayant démissionné de son poste de Ministre, un des rares dans ce pays, et je cite : « La Guinée est malade de ses chefs religieux » (Monsieur Gassama Diaby).
Force est de constater, qu’en Guinée, ce jeu de chats et souris fini souvent, voire toujours, en échanges de billets de banques en espèces sonnantes et trébuchantes, quand ce n’est pas la planche à billets qui tourne en période de campagne électorale, sans oublier de souligner ses conséquences inflationnistes néfastes sur l’économie du pays ;
Avec, parfois, des gros véhicules 4X4 flambants neufs distribués par-ci par-là aux frais de la « Princesse État ».
Pourquoi refuser ?
C’est Dieu qui donne !
Amen.
Ah ! Politique, quand tu les tiens.
« Allah fa ma ! » (Dieu viendra)
Mais ne soyons pas dupes et référons nous, par exemple, à cet éclairage que nous propose l’auteur Yuval Noah Harari, dans son ouvrage – 21 leçons pour le XXIème siècle, Albin Michel, 2018 – : « …Tout au long de l’histoire, les chercheurs ont été confrontés à ce dilemme : servir le pouvoir ou la vérité ? Visent-ils à unir en veillant à ce que tout le monde croie au même récit, ou livrent-ils la vérité, quitte à semer le désordre ? Les institutions savantes les plus puissantes – prêtres chrétiens, mandarin confucéens ou idéologues communistes – plaçaient l’unité au-dessus de la vérité. C’est à cela que tenait leur puissance.
Entant qu’espèce, les humains préfèrent le pouvoir à la vérité.
Nous consacrons bien plus de temps et d’efforts à essayer de contrôler le monde qu’à essayer de le comprendre ; et quand nous essayons de le comprendre, c’est habituellement dans l’espoir que cela nous aide à le dominer. Si vous rêvez d’une société où la vérité soit souveraine et où les mythes soient ignorés, il n’y a pas grand-chose à attendre d’Homo sapiens. Mieux vaut tenter votre chance avec les chimpanzés…La vérité est que la vérité n’a jamais été une priorité d’Homo sapiens… En pratique, la force de la coopération humaine repose sur un délicat équilibre entre vérité et fiction…. »
Pour ma part, comme je l’ai souvent dit, je l’ai même répété sur les antennes de la RTG, la télévision nationale, les problèmes de la Guinée peuvent se résumer en trois points, que j’ai appelé la loi des trois « E » :
1•) L’Éducation,
2•) L’Éducation,
3•) L’Éducation
Je lance donc, une bouteille à la mer, dans l’espoir que nos décideurs Politiques y trouvent ce message en forme de triptyque de la loi des trois « E ».
Alors, investissons dans l’Éducation car, nous le savons bien, c’est le véritable, voire le seul, chemin du développement et de la révolution des consciences. Certes, les résultats sont de long termes, mais le fruit n’en sera que plus sucré pour les futures générations.
Si non, que diront-elles des « vieilles bibliothèques que nous aurons été » ?
À défaut, nous courrons le risque d’une révolution plus dangereuse et violente, dont les conséquences n’en seront que plus amères, pour le bateau Guinée qui ne cesse d’aller à vau-l’eau.
Pour finir, est-ce déraisonnable de dire qu’il serait peut-être temps de laisser Dieu se reposer un peu de la Guinée ? Après tout, il en a bien le droit, puisqu’au septième jour il se reposa.
Et, sortir de ce jeu de dupes qui n’a que trop duré.
En ce matin de calme avant la tempête, je reste convaincu que le Messie ne viendra pas.
Dieu n’a pas que les Guinéens à gérer, à charge pour les Guinéens de prendre le taureau par les deux cornes.
Pour conclure, permettez-moi, chers compatriotes, de finir sur une parole citoyenne de Mirabeau, qui disait : « Tant que les femmes ne s’en mêlent pas, il n’y a pas de véritable révolution. »
Vive la République
Vive la Guinée
Stéphane Kaba
Conakry, le 16/10/2019
Texte actualisé le 19/10/2020