A la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sur la situation socio-politique en Guinée-Conakry (Lettre Ouverte)

Mesdames, Messieurs,

C’est avec une profonde inquiétude quant à l’aggravation de la situation politique mais aussi sociale de mon pays la Guinée que j’ai décidé de m’adresser à vous afin de préconiser des efforts accrus pour arrêter la dérive du pays vers une instabilité politique qui pourrait très probablement conduire la nation dans une véritable guerre civile due à la volonté manifeste du président de la république de tripatouiller la constitution pour le seul et unique but de se maintenir au pouvoir après son second et dernier mandat, chose qui impliquerait une épuration ethnique et d’autres atrocités de masse.

En décembre dernier, deux anciens chefs d’État d’Afrique de l’Ouest, le Béninois Nicéphore Soglo et le Nigérian Good Luck Jonathan, ont séjourné à Conakry pour une mission de 5 jours à l’initiative du National Democratic Institute (NDI) et de la Fondation Kofi Annan. Officiellement, l’objectif était non seulement d’évaluer les préparatifs des élections législatives reportées à plusieurs reprises par le pouvoir de Conakry et finalement annoncées pour le 16 février prochain mais aussi s’informer sur le changement de la constitution. Il m’est très important de rappeler que les opérations du processus électoral sont nettement critiquées et rejetées par l’opposition plurielle qui d’ores et déjà crie à la « fraude électorale » et s’est engagée à empêcher toute élection non inclusive et transparente en république de Guinée.

Par ailleurs, le projet – controversé – de nouvelle Constitution qui pourrait ouvrir la voie à un éventuel 3ème mandat du président Alpha Condé « cristallise » toujours les tensions. Les manifestations ont fait de nos jours une vingtaine d’opposants tués par les forces de l’ordre depuis la mi-octobre sans oublier une centaine d’autres opposants assassinés depuis l’avènement d’Alpha Condé au pouvoir en 2010. Malheureusement, cette visite de travail n’a guère contribué à mettre fin à la crise, puisque le gouvernement y a répondu par de nouveaux éléments compromettants davantage la situation politique, c’est notamment l’officialisation du projet de coup d’Etat constitutionnel et la décision d’aller aux élections législatives sans les principaux partis d’opposition à savoir UFDG, UFR, PEDN, Bloc-Liberal, PADES etc….

Par ailleurs, des arrestations ciblées et répressions meurtrières contre les opposants sont perpétrées quotidiennement dans le pays lors des manifestations du Front National pour la Défense de la Constitution « FNDC». Depuis un certain temps les discours de haine et d’incitations à la violence de la part d’un certain nombre d’hommes politiques y compris le chef de l’État, sont devenus récurrents et ce sont des indicateurs préoccupants d’une crise qui s’aggrave, ainsi que d’un risque d’épuration ethnique et d’autres crimes de masse. Mon pays est au bord de l’implosion.

Mesdames, Messieurs,

D’après mon analyse, j’ai malheureusement identifié trois scénarios catastrophiques qui risquent d’arriver à court terme si jamais rien n’est fait pour une sortie rapide de crise : celui de « la destruction et de la division durable du pays », celui de « la crise sociale, politique et de l’insurrection populaire » et celui de « la guerre civile ». En tout état de cause ces risques constituent une menace grave et imminente pour la paix et la sécurité de mon pays et de toute l’Afrique de l’Ouest.

Le futur que Alpha Condé et son gouvernement propose à la Guinée se résume à la guerre, aux crimes de masse, aux arrestations ciblées d’opposants, à l’anarchie et aux violences de tout genre aux dimensions politiques, ethniques et voire religieuses. Raison pour laquelle, la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), que vous êtes, devrez exiger le respect de la constitution en vigueur et donner une ultime chance de départ pacifique à Alpha Condé et son gouvernement au pouvoir à la fin de son second et dernier mandat tout en se préparant activement à évincer son régime par tous les moyens nécessaires au cas où il refuserait l’alternance politique en cette même année. L’investissement massif de la communauté internationale dans la paix et la sécurité en Afrique de l’Ouest depuis près de deux décennies est aujourd’hui menacé par un pouvoir aux abois, qui menace, emprisonne et massacres ses propres citoyens, et qui déchaîne des milices armées pour terroriser tous ceux qui ne le soutiennent pas dans son projet funeste.

La CEDEAO a un rôle clé à jouer dans cette crise née de la volonté du président de la république de s’offrir un 3ème mandat, un mandat de trop. Son intervention est plus que jamais importante. Depuis le début de son deuxième mandat en 2015, ses efforts pour se maintenir au pouvoir ne laissent plus aucun doute sur la menace grave que son régime représente pour la paix et la sécurité des citoyens guinéens. Le coût de l’inaction est désormais beaucoup plus élevé que celui de la prise de mesures politiques et militaires fortes. Avec ma plus haute et sincère considération.

DIALLO MAMADOU CELLOU Etudiant à IUT de Nancy-Brabois/France Département Réseaux & Télécommunications

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